Cameroun :: Covid-19 :: La vaccination à l’épreuve des perceptions

Les appels à cette mesure de prévention sont confrontés à de nombreux obstacles dont les a priori, les conséquences malheureuses des expériences passées et les idées reçues.

Alors que l’Etat du Cameroun appelle à se faire vacciner, que le monde « tremble » devant le covid-19 et ses conséquences, la vaccination quant à elle peine à se faire accepter. Au contraire, le phénomène des anti-vaccins, conforté par les images qui viennent des pays les plus atteints par la pandémie et les perceptions locales, tend à se consolider. On enregistre à peine 415 000 personnes qui ont volontairement accepté de se faire inoculer les solutions actuelles contre le coronavirus pour une population qui avoisine les 25 millions d’individus. Les chiffres indiquent que près de 413 000 doses de vaccins ont été administrées, que 72 112 individus ont été complètement vaccinés, soit un pourcentage de 0,3 % de la population complètement vaccinée. Encore qu’on assiste à un relâchement des mesures-barrières dans le pays malgré les interpellations des pouvoirs publics.

Le covid-19 de tous les débats

Les arguments opposés aux vaccins contre le covid-19, pour se défendre, sont entre autres les incertitudes liées à l’efficacité de chacune des formules développées jusqu’ici (Johnson & Johnson, Sinopharm, Sputnik, Pfizer et le très controversé AstraZeneca dont les effets ont tôt fait d’anéantir les efforts des gouvernements dans la lutte contre la pandémie), les expériences qui ont mal tourné dans le passé notamment la quinine qui a provoqué des infirmités. A cela s’ajoute les théories « complotistes » contre l’Afrique déjà victime du Sida et autres pathologies : « L’Afrique, perpétuel cobaye ? », c’est le titre d’un article publié sur un site internet suisse en octobre 2020.

Même au sein du corps médical, on observe des résistances. « Sous d’autres cieux, vous avez compris qu’il y’a une obligation déjà de vaccination du personnel de santé et que celui n’est pas vacciné n’aura pas de salaire », a déclaré Malachie Manaouda, le ministre de la santé publique, au cours d’une rencontre avec les responsables des hôpitaux. Dans la foulée, c’est le directeur général de l’hôpital général de Yaoundé qui, dans une note du 12 Août, annonce l’interdiction d’accès au sein de la formation hospitalière pour les personnels non vaccinés. « Ne sera plus admis à l’Hôpital général de Yaoundé (HGY) mais continuera à percevoir son salaire sans les compléments liés au travail (primes de rendement, transport, garde, astreinte et technicité) jusqu’à nouvel avis », indique le Pr Vincent de Paul Djientcheu.

Les a priori figurent en outre dans ce registre qui trahit une sorte de méfiance à l’égard du gouvernement comme le précise le sociologue Mballa Elanga Edmond VII. « Il y a depuis fort longtemps que l’État du Cameroun a perdu sa capacité substantielle de régenter les populations et à leur faire accepter certaines de ses recommandations ou injonctions », explique l’enseignant à l’université de Douala.

Le ministre de la santé publique avant son vaccin

Pro vaccination

Pour inverser la tendance, l’Etat a multiplié les communications visant à rassurer les citoyens. L’une d’elles consistent à rappeler que les vaccins existent depuis longtemps ; que presque tous les enfants ont par exemple reçu des doses de vaccin contre la diphtérie, la poliomyélite, le paludisme ou la tuberculose. A ce titre, les autorités administratives ont donné l’exemple en mondovision en se faisant vacciner, même si des critiques sont nées peu après. La diffusion des spots télévisés et radio continuent de se faire.

D’autres initiatives de sensibilisation ont vu le jour. Dans le cadre d’un atelier organisé par l’agence nationale de recherche sur le Sida et les hépatites (Anrs), les journalistes ont par exemple été formés sur l’éthique de la recherche. La session avait pour objectif de faire la lumière sur l’éthique de la recherche en général. Un accent a été mis sur le processus de création du vaccin contre le Covid-19 dans un contexte dominé par tout type de connaissances. D’après la professeure Marie-José Essi, les perceptions des uns et des autres contribuent à avoir une idée souvent dévoyée sur le vaccin. Les délais de production des vaccins ont une partie de responsabilité dans ce contexte. Les participants ont également noté qu’une pléthore d’idées, parfois erronées, autour du vaccin contre le Covid-19, et le virus lui-même, est à l’origine de la méfiance constatée jusqu’ici. On peut également intégrer la campagne sur la séroprévalence au Covid-19 lancé par le Minsanté en partenariat avec Epicentre, Médecins sans frontières (Msf) du 26 juillet au 26 Août 2021 dans l’optique d’envisager une immunité collective efficace contre la pandémie.

La décision du Minsanté d’autoriser les médicaments traditionnels améliorés a par ailleurs confirmé sa volonté de s’ouvrir aux solutions endogènes. Ils sont en concurrence avec les spécialistes autoproclamés de la médecine.

Populations pour et contre le vaccin

Il sied cependant de rappeler que c’est le 17 mars 2020 que le Cameroun déclare pour la première fois les cas de Covid-19. Des mesures sont aussitôt prises. A ce jour, le pays a reçu des doses du vaccin Johnson & Johnson qui se prend en dose unique. D’autres vaccins ont antérieurement été reçus dans le cadre de l’initiative Covax de l’organisation mondiale de la santé (Oms). Au cours de chacune de ces étapes, les populations ont « appris » à connaître la pandémie. Les idées sont partagées entre thèses complotistes et solutions à une pandémie dont les statistiques sont de plus en plus effrayantes, selon les autorités sanitaires. Rendu au mois d’Août 2021, le pays annonce 82 064 cas confirmés positifs pour plus de 79 000 guérisons. Bien plus, le ministère de la santé interpelle les citoyens face à la présence potentiel du variant delta en terre camerounaise, ce, après avoir connu une deuxième vague, porte ouverte à la troisième annoncée plus sournoise, plus contagieuse, a-t-on appris jusqu’ici.

Hervé Ndombong

……

Dr Mballa Elanga Edmond VII, Phd, Sociologue, Enseignant à l’Université de Douala

« La crise sanitaire Covid-19 a renforcé le recours aux logiques anthropomorphiques, déjà fortement ancrées au sein de la société camerounaise »

Perception à l’égard du covid-19

La crise sanitaire Covid-19 a renforcé le recours aux logiques anthropomorphiques, déjà fortement ancrées au sein de la société camerounaise. Rappelons qu’au sens usuel et étroit, le terme anthropomorphisme définit le procédé par lequel une pensée insuffisamment critique attribue à des objets situés hors du domaine humain – objets naturels ou objets divins – des prédicats empruntés à la détermination du domaine humain, à des fins explicatives ou simplement représentatives. Dans une situation de crise (crise sanitaire par exemple) où les certitudes sont brisées, la rumeur (à la sorcellerie ou encore les rumeurs sataniques) permettent de renforcer les normes et l’unité d’une communauté et la foi de certains fidèles qui voient dans cette pandémie, le cas d’espèce, une conséquence logique des comportements déviants des Hommes et Dieu le seul recours possible.

Dans les rues de Douala, plusieurs rumeurs circulent. La plupart mobilisent un argumentaire diabolique, sorcellaire ou encore du complot. Certains fidèles pensent qu’il s’agit d’une punition divine dont l’objectif est de ramener les hommes sur le droit chemin.  Un tel contexte n’est pas propice à la vaccination en masse des populations.

Limite à la contrainte de l’Etat

Il y a depuis fort longtemps que l’État du Cameroun a perdu sa capacité substantielle de régenter les populations et à leur faire accepter certaines de ses recommandations ou injonctions. La défiance des populations, en générale, et de certains croyants, en particulier, s’inscrit dans un contexte social où contester la norme publique est devenue la norme. Les populations semblent faire de plus en plus de la contestation de l’ordre gouvernant une religion. Une situation dont les causes sont entre autres liées aux problèmes de gouvernance et de pauvreté d’une part importante de la population camerounaise, d’une part, et des crises sociopolitiques qui secouent le Cameroun, d’autre part.

Pourquoi cette défiance ?

La défiance intervient quand la confiance a été trahie. Il est alors difficile de s’ouvrir à une nouvelle forme de confiance. C’est ce qui caractérise de nombreuses sociétés vis-à-vis de la communication politique, économique ou encore financière. Les déceptions, les promesses non tenues, les mensonges en sont la cause. Ainsi, pour un citoyen de la ville de Douala : « Nous contestons d’abord parce qu’on ne peut pas toujours faire confiance au gouvernement. ». La défiance se nourrit ainsi de la faiblesse de l’État à prendre en charge les problèmes auxquels font face les populations. Celles-ci se soumettent donc aux autorités religieuses, par exemple, qui leur proposent des solutions susceptibles d’atténuer les effets de leurs angoisses et de leurs incertitudes.

Propos recueillis par H.N*.

*NB : Les intertitres ne sont pas de l’expert. Ils ont été ajoutés en vue d’aérer la lecture.

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